C’est une biographie assez particulière que nous offre Évelyne Bloch-Dano, avec L’Âme sœur, parue chez Stock. Outre une belle mise en lumière de la relation peu connue entre Gustav Malher et son « âme sœur », Natalie Bauer-Lechner, le texte prend par moments la forme du journal de voyage - celui de l’autrice avec sa sœur sur les lieux où se sont déroulés les événements relatés – ou encore du journal de travail et de réflexion sur ce que sont la biographie et le rôle du biographe. Approche intéressante et mise à l’œuvre au cœur du même ouvrage…
Si l’on associe facilement les prénoms de Gustav et d’Alma, que le musicien épouse en 1902, on n’a en revanche bien peu entendu parler de Natalie, qui fut pourtant, durant dix ans, l’amie intime, la confidente, la première à avoir accès à l’œuvre en cours de composition, la compagne de vacances et de randonnées. L’amante aussi, le temps d’un été, espérant plus, n’obtenant pas. C’est que la famille du musicien s’est employée, par la suite, à dissocier de lui le nom de cette altiste particulièrement douée et très moderne pour son temps.
Malher n’a que 16 ans, lorsqu’elle le rencontre pour la première fois. Elle devine d’emblée le potentiel du jeune homme, entrevoit celui qu’il deviendra. Elle-même est un peu plus âgée et mariée à un veuf, père de trois petites filles. Une union au sein de laquelle elle va vite étouffer, malgré l’affection qu’elle porte aux fillettes. Elle s’émancipe bientôt, divorce, rejoint un quatuor de femmes, parcourt l’Europe pour accompagner son grand homme, Gustav, créateur incompris de ses contemporains, malmené, alors qu’on l’acclame en tant que chef d’orchestre.
C’est en partie grâce aux cahiers que Natalie a tenu durant ces dix ans en compagnie de Malher, qu’Evelyne Bloch-Dano a pu retracer cette intimité tissée dans un puissant amour commun de la musique, dans la Vienne splendide de l’empire austro-hongrois, à l’apogée de sa renommée de capitale des arts.
Natalie Bauer-Lechner, une femme amoureuse, une femme passionnée de musique, une avant-gardiste libre dans une Europe d’avant la Première guerre mondiale, toute empreinte encore des traditions dix-neuvièmistes.
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