Nous connaissons tous Elisabeth de Wittelsbach, impératrice d’Autriche et reine de Hongrie. Nous connaissons la manière pour le moins romanesque dont elle accède au trône, aux côtés de François-Joseph. Nous connaissons sa tragédie de mère, lorsque son fils, l’archiduc Rodolphe, se suicide à Mayerling, et l’absurdité de son assassinat. Les biographies et les films abondent. Pour les cinéphiles, « Sissi » aura à jamais le visage de Romy Schneider. Mais que savons-nous de sa nombreuse fratrie ? Beaucoup moins de choses. Notamment à propos de l’une de ses cadettes, Marie-Sophie, reine de Naples et des Deux-Siciles.
C’est parce qu’elle a découvert que sa propre famille était liée à Daisy de Lavaÿsse, la fille adultérine de Marie-Sophie, que Lorraine Kaltenbach s’est lancée sur les traces de cette femme au destin haut en couleur, et a reconstitué pièce à pièce le puzzle d’un secret de famille bien gardé. Son livre Le Secret de la reine soldat, retrace à la fois les « splendeurs et misères de la vie » d’une reine tôt montée sur le trône et tôt déchue, et le pas à pas de recherches sur Daisy, l’enfant cachée, et l’homme qui fut son père et le grand amour de Marie-Sophie.
C’est cuirassée et les armes à la main que la jeune femme entre dans la légende, en 1861, à 19 ans à peine. Reine de Naples et des Deux-Siciles depuis son mariage avec François II, l’année précédente, elle le suit dans sa fuite à Gaète, une forteresse maritime vite assiégée par les troupes de Garibaldi. Les différents royaumes qui composeront bientôt l’Italie sont alors en butte aux assauts d’un Victor-Emmanuel de Savoie et d’un Garibaldi à la fièvre unificatrice. Alors que François dévoile son incapacité à se révéler meneur d’hommes, Marie-Sophie arpente les rues, encourage et soigne les soldats. Une intrépidité qui lui vaudra d’être surnommée la « reine soldat » par Proust lui-même. Hélas, la forteresse est prise, et commencent pour elle de longues années d’exil, entre Rome, Paris, l’Allemagne et le Sud de la France. Elle y demeure une aventurière, une activiste, et se lie avec des anarchistes, pour renverser Victor-Emmanuel monté sur le trône d’une Italie unifiée.
Lors de son premier séjour à Rome, après la chute de Gaète, elle rencontre Emmanuel de Lavaÿsse-Châteaubourg, un zouave pontifical. Elle va l’aimer passionnément et aura de lui une fille. Des amours contrariées, qui ne peuvent se vivre que dans la clandestinité, et auxquelles elle sera contrainte de mettre fin, pour « raison d’État ». Une enfant qu’elle ne pourra garder auprès d’elle, ni élever aux yeux de tous. Une double perte terrible pour cette jeune femme qui promènera ensuite à travers l’Europe une tristesse jamais guérie, et sèmera le scandale.
Comme le titre de l’ouvrage l’indique, Lorraine Kaltenbach ne s’attache pas seulement à dresser le portrait d’une femme courageuse et libre, déterminée et attachante dans ses convictions comme dans son drame intime. Le « secret » de la reine demeure au centre de ses recherches minutieuses, et de nombreuses pages sont consacrées à Emmanuel et Daisy, qui grandira maladive et fragile, puis décédera à 23 ans.
Le Secret de la reine soldat se lit comme un roman grâce à la plume enlevée de l’autrice qui nous restitue l’Europe de la fin du XIXe siècle avec vivacité, et la peuple de personnages dont on suit avec intérêt l’existence mouvementée.
Le Secret de la reine soldat, Lorraine Kaltenbach, éditions du Rocher
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